Rembrandt
Self-Portrait with Two Circles

Rembrandt est considéré comme l'un des plus grands peintres de l'histoire de la peinture, notamment de la peinture baroque, et l'un des plus importants peintres de l'École hollandaise du XVIIe siècle.

Source :  Wikipédia 
Images :  Wikimedia Commons 
Rembrandt
Leçon d'anatomie du docteur Tulp (1632)

Rembrandt
Aristote contemplant le buste d'Homère (1653)
Rembrandt
La ronde de nuit (1642)
Rembrandt Research Project

Qu'est-ce que c'est ?

C'est un groupe de spécialistes néerlandais qui, en 1968, s'est donné comme mission de répertorier et de valider les œuvres du peintre néerlandais Rembrandt. Dissout en 2011 pour manque de fonds et de relève, le groupe utilisait diverses techniques pour analyser les oeuvres de Rembrandt. Quelques exemples :

- Energy X-ray imaging technique at the European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) in Grenoble.
- Macro-scanning X-Ray Fluorescence spectrometry (MA-XRF) at the Brookhaven National Laboratory (BNL) in New York.  référence 

Ces technologies permettent entre autres de détecter les pigments de couleurs cachés sous les couches de peintures révélant ainsi les différents ajouts à une composition.

Au fil des décennies de son activité, le groupe a fini par s'imposer comme l'autorité en matière d'attribution, c'est-à-dire déterminer quels tableaux étaient véritablement de la main de Rembrandt et lesquels ne l'étaient pas. Travaillant essentiellement avec les Rembrandts des musées, ils ont désattribuer, notamment, plus de la moitié des auto-portraits de Rembrandt dans le monde.

L'Homme au casque d'or
Anonyme, 1650.

L'Homme au casque d'or est un portrait anonyme daté des environs de 1650, longtemps considéré de la main du peintre Rembrandt. En 1986, en se fondant sur les analyses radiographiques, l'étude du support et du dessin sous-jacents, les experts du Rembrandt Research Project désattribuèrent l'œuvre après sa restauration, désattribution qui eut un retentissement médiatique.

Le tableau est désormais classé comme faisant partie de l'entourage de Rembrandt, soit qu'il fut réalisé par un élève ou un suiveur du peintre. La controverse liée à cette désattribution a soulevé des questions sur l'authenticité et l'évaluation des œuvres de Rembrandt par rapport au marché aussi bien que par rapport à l'étude de sa peinture. Le tableau est exposé à la Gemäldegalerie de Berlin.  référence 

Après sa désattribution, la valeur de ce tableau chuta de 20%. Son prix évalué passa de 8 millions à 1.5 millions de dollars US (valeur au milieu des années 80).

Copier les maîtres

Ce débat sur l'authenticité d'une oeuvre met en lumière certains aspects :

- Les pratiques artistiques collaboratives de l'époque : des ateliers comme celui de Rembrandt ou Rubens fonctionnaient comme des entreprises liées par les échéances de leurs commandes. Les tableaux sont la plupart du temps le résultat d'une collaboration entre le maître et ses élèves.

- La copie a été pratiquée de tous temps dans les ateliers, les écoles, les Académies ; son but est à la fois didactique et de servir de moyen de duplication d’un chef d’oeuvre. Une grande partie de la formation initiale des artistes était consacrée à copier les œuvres d'artistes anciens. Lorsque satisfait du travail de ses élèves, Rembrandt allait même jusqu'à signer le travail de ses étudiants !!!

- L'importance accordée par nos sociétés modernes à l'authencité et au cliché du génie solitaire : obsession du marché pour les signatures, les marques, pratiquement indifférent à la qualité intrinsèque de l'œuvre. Dans cette optique, une désattribution devient extrêmement ruineuse.


Rembrandt


Notes prises lors d'une série de cours donnés par M.  Jean-François LHote  à l'université de Montréal en 1992 dont le thème était La peinture du XVIIe s. aux Pays-Bas.

Selon M. LHote, Rembrandt est un peintre à part dans la peinture hollandaise du XVIIe s.

Leçon d'anatomie du docteur Tulp

Grand tableau, signé et daté. 2 1/2m x 1m70 : 1632. Ce tableau appartient au genre du «connais-toi toi-même». C'est un portrait moral. Il représente un collège de chirurgiens. Tableau souvenir. Au départ ce n'est que la photographie d'une promotion de collège. Mais il y a plus...

Modifications dans le tableau

1) Le personnage de l'extrême gauche (Koolvelt) a été rajouté : visible avec la radiographie. Ce nouveau personnage n'entre pas dans le cercle de la composition. Ce n'est pas Rembrandt qui a fait cet ajout.

2) Le personnage du haut (Van Loenen : chirurgien en second) a perdu son chapeau. Seul le docteur Tulp a un chapeau = signe du chef. Van Loenen n'entre pas dans le cercle: il le surplombe. Il nous regarde très directement en désignant le cadavre. Son geste est semblable à celui des vanités. Il montre ce que nous deviendrons nous aussi.

3) Il y a beaucoup de repentirs dans le bras écorché. Cela signifie que Tulp, chirurgien, a repris Rembrandt qui ne s'y connaissait pas en anatomie. Pour Tulp, le bras a une importance considérable.

Tulp a effectuée deux dissections publiques. Une en 1631 et l'autre en 1632. Ces dissections se font en hiver (conservation du corps) au mois de janvier. Elles durent 4 -5 jours. Anatomie publique: tout le monde a le droit d'y assister mais il faut payer. Il est interdit de parler, de rire et de voler des organes. L'argent ramassé revient au collège et sert à organiser un énorme banquet + procession. Le cadavre disséqué est toujours un criminel. Il subit la pire des déchéances: être disséqué publiquement. Celui-là avait été exécuté la veille. Rembrandt dans son tableau ne représente pas un cadavre tel qu'il arrive pour une séance d'anatomie publique, c'est-à-dire éventré et vidé de ses intestins pour éviter la pourriture trop rapide du corps. Non, l'abdomen du cadavre de Rembrandt n'est pas ouvert. Il nous épargne de l'horreur, du dégueulasse.

Les leçons d'anatomie sont pratiquées depuis fort longtemps: on en retrouvait à l'Antiquité: mi-scientifique, mi-religieuse. Exemple romain: Aristote faisant une leçon d'anatomie datant du IVe s. après J.-C. Dans ces leçons on retrouve toujours trois personnages:
-le praetor (lecteur): le professeur.
-l'ostensor ou demonstrator: celui qui montre.
-le secator: celui qui coupe.

Il existe donc une iconographie très vaste de ce genre et Rembrandt a donc des exemples pour son tableau.

Dans l'antiquité et au moyen-âge on s'intéresse au malade plutôt qu'à la maladie. En ouvrant un mort on tente de savoir si sa maladie correspond à son type d'humeur. On est moins soucieux de classifier les maladies que de faire correspondre la maladie à l'humeur du malade.

A partir du XIVe s., on publie et copie des atlas anatomiques = planches où l'on voit les différents états du corps humain. Chaque fois que l'on disséquera, l'atlas anatomique sera présent et on comparera la réalité au livre. C'est ce qu'on observe dans la plupart des représentations de dissections dont celle de Rembrandt.

-A la fin du XVIIIe s., on fabriquera des specoloa : mannequin de cire dont toutes les parties se détachent pour l'étude de l'anatomie. Celui montré au cours représente un très belle femme démontable = vanité de la beauté.

André Vésale

Fondateur de l'anatomie moderne. Il avait reçu ses privilèges de Charles Quint et ensuite de Philippe II. Vésale a corrigé les erreurs des atlas précédents simplement en observant la réalité telle qu'elle apparaît. Il fut en conflit avec la Sorbonne concernant ses études anatomiques. La Sorbonne prétendait que les organes répertoriés par Vésale n'existaient pas parce qu'ils ne figuraient pas dans Gallien.

C'est pour associer son nom à celui de Vésale que Tulp se fait représenter ainsi. Vésale s'était fait représenter en train de travailler sur les tendons d'un bras et c'est ce que veut Tulp aussi. Intérêt pour les tendons: origine du mouvement.

Ne pas confondre médecin et chirurgien au XVIIe s. Le chirurgien du XVIIe s. ne fait pas de médecine théorique. Il pratique un métier de même nature que l'artisan. Il est au bas de l'échelle dans la profession.

Thomas de Keyser : Meilleur portraitiste d'Amsterdam avant Rembrandt. Il a également effectué un portrait de groupe représentant une anatomie.

*Signification du crâne au pied de la croix du Christ: crâne d'Adam.

Rembrandt a choisi entre les diverses représentations possibles de l'anatomie trois façons simultanément :
a) anatomie scientifique
b) anatomie scolastique (avec le livre)
c) anatomie symbolique (connais-toi toi-même)

-Rembrandt héroïse son cadavre: il a minimisé l'horreur. Par exemple, l'ombre produite par un des chirurgiens qui se penche au-dessus de lui cache partiellement son visage et nous évite de voir trop de détails (exemples semblables dans des mises au tombeau de Titien). Rembrandt n'a pas voulu montrer son cadavre éventré.

-Son cadavre est présenté les pieds devant un peu à la façon du Christ mort de Mantegna.

-Le geste de la main gauche de Tulp est un geste codé qui signifie: «nous commencerons par le problème suivant...».

Selon LHote, on pourrait dire que c'est un tableau religieux:
a) il porte le message du memento mori (connais-toi toi-même).
b) la composition rappelle celle des tombeaux :

Tulp est assis sur sa chaire avec un chapeau: position privilégiée par rapport aux autres. La niche surmontée d'une coquille derrière Tulp est réservée aux sculptures située dans la partie supérieure des tombeaux = symbole d'éternité de l'âme. Le tableau est donc arrangé un peu comme un tombeau: sculpture en haut, gisant en bas. De plus, les chirurgiens penchés sur le cadavre = double des images de squelettes pleurant penchés sur le tombeau.

En résumé, la leçon d'anatomie serait une métaphore des vanités.

 

 

 

 

Aristote contemplant le buste d'Homère

-Au Metropolitan Museum of Art à New York.
-Grand tableau : en ruine aujourd'hui.
-Terminé en 1653.
-L'Aristote est un personnage introverti : pas le cas du Dr Tulp et de Franz Malinkopf.
-Il s'agit d'une commande où le sujet n'est pas défini : seuls le format vertical et la présentation d'une figure étaient demandés par le mécène.

-Client sicilien : Don Antonio Ruffo. Étrange qu'un Italien commande un tableau à Rembrandt qui est surtout célèbre pour ses gravures et qu'il ait de plus payé très cher : huit fois plus qu'un tableau semblable. De plus, le style caravagesque tardif de Rembrandt n'est plus à la mode en Italie.

À la réception du tableau Ruffo n'en est pas satisfait. Il veut un pendant; c'est-à-dire un autre tableau du même genre et de même format. Il s'adressera au Guerchin (1591-1666). Pour lui donner une idée de ce qu'il doit peindre, Ruffo décrit dans une lettre au Guerchin le contenu du tableau de Rembrandt. Il lui parle d'un physionomiste (représente le microcosme) sans savoir qu'il s'agit d'Aristote (difficilement reconnaissable selon l'iconographie de l'époque). Le Guerchin lui propose un astrologue (représente le macrocosme). Finalement le Guerchin ne réalisera jamais ce tableau (il mourra avant ?).

Représentation d'Aristote

Fulvio Orsini: un des plus grands collectionneurs de la fin du XVIe s.- début XVIIe s. Expert de l'Antiquité, il fait figure d'autorité dans le domaine. Il a un portrait gravé d'Aristote complètement différent de celui de Rembrandt. L'Aristote que Rembrandt a imaginé trouve son origine dans le Moyen Age: barbu, âgé, tranquille. Ce n'est pas l'Aristote des bustes antiques.

 Portrait de Philippe II  par Titien: même composition que l'Aristote de Rembrandt.

Aristote est représenté dans un cabinet de travail: espace petit. Il s'agit d'un studiolo : lieu clos et silencieux. Derrière Aristote, on aperçoit un bout de rideau derrière lequel se trouve des livres (au XVIIe s. on met des rideaux partout pour protéger de la suie des lampes à l'huile et de la fumée des bougies).

Aristote pose la main sur le buste d'Homère sans regarder ce qu'il fait.

 Problème XXX - I  (Livre d'Aristote)

Il est question dans ce livre de la mélancolie. Tous les hommes de génie selon Aristote sont des mélancoliques. Ce texte est connu de tous au XVIIe s. Les mélancoliques ont une physionomie particulière: calvitie : chaleur qui vient du travail cérébral. Tout savant est mélancolique = renfermé, peu bavard.

L'Aristote de Rembrandt a la même présence et absence psychologique que certains autres de ses portraits, tel son autoportrait en vieil homme. Pas d'action dans les tableaux de Rembrandt. Il insiste sur un mouvement arrêté.

Tableau où il y a caractère mais pas d'action. Contraire aux opinions des Anciens sur la peinture et le théâtre.

Exemple d'autres représentations de philosophes au XVIIe s. :
- Philosophe  du Tintoret.
- Archimède  de Ribera (1591-1652): dépenaillé.
-Astrologue du Guerchin (Il Guercino).

Tradition des pendants dans les tableaux de philosophes: on les peint avec leur pendant: l'un en Démocrite et l'autre en Héraclite. Ils ont tous les mêmes traits physionomiques.

Peiresc s'est fait représenter en philosophe avec des livres par Van Dyck. (tableau perdu: il nous reste une gravure réalisée par son ami Claude Mellan [1598-1688]).

Représentations similaires aux philosophes: les docteurs de l'Église :
-  Saint Jérôme  (traducteur de la Bible) dans un intérieur par Antonello de Messine (1430-1479).
- Saint Augustin.

Libertins au XVIIe s. = libres penseurs.

Homère

Le buste d'Homère utilisé par Rembrandt pour son tableau serait exectement le même que celui qui se trouve au  musée de Boston .

On ne sait même pas si Homère a vraiment existé. (Shakespeare, lui, a vraiment existé mais il n'était pas Shakespeare. C'est un jeune noble très cultivé qui écrivait avec ce nom).

Autres représentations avec buste :

Gevartius ou Gevarts: greffier de la ville d'Anvers, ami de Pereisc, s'est fait représenté travaillant dans son cabinet avec le buste de Marc-Aurèle qui le regarde. Gevarts travaillait sur Marc-Aurèle.

Sénèque est très à la mode au XVIIe s.: néo-stoïcisme.

Signification du buste d'Homère dans le cabinet de travail

Aristote a été le maître d'Alexandre le Grand.
Homère = éducateur de toute la Grèce (un peu comme les fables de LaFontaine).
Aristote met sa main sur la tête d'Homère. Dans les mêmes types de représentation cela signifie : expression de sa philosophie ou thème de l'aveugle (touché). Situation d'Aristote comme celle de l'aveugle qui touche pour connaître. Homère est aveugle et semble regarder Aristote. Mais c'est Aristote le voyant qui ne regarde pas.

Antonio Ruffo a commandé à Rembrandt par la suite deux autres tableaux: un Homère (qui enseigne, raconte, chante) semblable au buste figurant dans l'Aristote et un Alexandre. Les trois tableaux seront réalisés à l'intérieur d'une période de dix ans.

Alexandre

Troisième personnage dans ce tableau:

Sur le médaillon que porte Aristote se trouve l'effigie d'Alexandre. Tout le XVIIe s. connaît les Vies de Plutarque et en particulier celle d'Alexandre. Alexandre a tout appris d'Aristote selon Plutarque: la philosophie, la guerre, la médecine... C'est aussi Aristote qui avait enseigné Homère à Alexandre. Il lui a même donné une copie corrigée de sa main qu'il gardait toujours près de lui et qu'il mit dans un «petit coffret, qui fut estimé le plus riche et le plus précieux meuble qui eut été gagné en la défaite de Darius (...) (Alexandre) dit qu'il y mettrait l'Illiade d'Homère pour la dignement garder.» (p.354). Il dormait même avec cette copie: [thème de la Grèce antique: contact avec les livres pendant le sommeil = nourriture de l'esprit]. Plutarque mentionne un peu plus loin qu'Homère ne lui fut pas inutile en ce voyage car la nuit de devant il eut une vision lui indiquant qu'il bâtirait sa grande cité sur l'île de Pharos.

L'Alexandre que Rembrandt peindra plus tard pour Ruffo est le même que celui sur le médaillon. Cet Alexandre ne correspond pas aux représentations de l'Alexandre de Pergame, type exalté. Il est plutôt calme et replié sur lui-même. Il tient sa lance comme les chevaliers du Moyen Age.

L'or

Quatrième personnage:
- Dans la couleur or et le métal de la chaîne.
-Cadeau d'Alexandre offert à Aristote.
-Signification de l'or: pour les Grecs qui sont très pauvres cela représente l'or de l'Asie = richesse. C'est ce que va conquérir Alexandre. L'or signifie que la conquête est terminée, qu'Alexandre a gagné et qu'il est peut-être déjà mort.

Passage de l'Illiade sur l'or: chant VIII. C'est le premier texte où il est question du thème de la chaîne d'or. Chaîne d'or = relie le ciel et le terre et que Zeus peut tirer comme il l'entend.

Autre signification de la chaîne d'or: chez Suétone elle symbolise le fouet du soleil d'Apollon qui peut brûler ou réchauffer.

La chaîne d'or est la clé de la réflexion d'Aristote. Alexandre ne lui appartenait pas. Quel rôle dérisoire a t-il joué dans la vie d'Alexandre qui a été envoyé par les Dieux.

Dialogue d'Aristote avec Homère

La Poétique d'Aristote: texte qui circule beaucoup au XVIe s. On en discute dans des Académies littéraires. Peut-on enseigner la poésie ? Question que se posent les libertins à propos d'Aristote. Oui, mais il faut du talent pour en écrire de la bonne. Cette thèse au XVIe s. vient, croit-on, d'Aristote.

Francisco Pattricci : philosophe italien. Il croit au contraire que le poète ne s'éduque pas. Le poète est selon lui un furieux. La poésie vient de Dieu : prise de l'individu par Dieu.

Ce qui est en cause ici c'est ce dont traite Platon dans son Livre X de La République: le problème de l'imitation : le peintre est un imitateur. Exemple: il peint des voitures, des bâtiments mais il ne peut pas construire ces choses. Comme le poète d'ailleurs. Platon se demande si Homère au lieu de raconter aurait été capable de faire ce qu'il raconte. Homère = créateur d'illusions pour Platon.

C'est ce à quoi Aristote dans le tableau pense. Il pense que oui Homère a réalisé ce qu'il raconte à travers Alexandre qui a toujours porté sur lui la copie d'Homère qu'il lui a donnée.

Ce tableau représente le dernier hommage du philosophe à la poésie.

Le peintre, comme le poète, n'apprend pas son métier, il l'a ou il ne l'a pas.

La ronde de nuit

Aspects techniques

-Au Rijksmuseum.
-Commencé à l'automne 1640, terminé en 1642. Payé avant la mi-juin 1642.
-Dimensions actuelles du tableau: 343cm x 437cm. Il fut toutefois plus grand. Il a été coupé; surtout à la gauche du spectateur. La partie coupée donnait de l'air à la composition. Le tableau resta intact et au même endroit de 1642 à 1715 mais fut coupé en 1715 pour qu'on puisse le placer au Kloveniersdoelen: guilde des mousquetaires (arquebusiers).

-Fait de bandes de toile horizontales.
-Fond brun peint sur surface préparée.
-Traits esquissés en brun et noir à la brosse.
-Lumière esquissée en blanc.
-Il n'existe aucun dessin préparatoire. Le tableau a été fait directement sur la toile. On ne trouve presque pas de repentirs dans ce tableau (sauf peut-être sur la pointe de la hallebarde qui avance vers nous).

Sujet et personnages du tableau

-Il ne s'agit ni d'une scène nocturne, ni de soldats montant la garde. Il s'agit en fait de marchands drapiers ayant payé chacun selon la place qu'ils occupent dans le tableau. -Le titre actuel fut donné au XIXe s. Ses titres exacts sont: Les officiers et les hommes de la compagnie du Capitaine Frans Banning Cocq et du Lieutenant Willem Van Ruytenburgh ou Le Capitaine Frans Banning Cocq donnant l'ordre au Lieutenant Willem Van Ruytenburgh de faire avancer ses troupes.

Frans Banning Cocq
Immigrant de Brême. Fils d'un apothicaire fort riche. Né en 1605. Il a 37 ans environ lorsque Rembrandt le représente sur le tableau en 1642. Docteur en droit. Carrière d'administrateur. Amsterdam est à l'époque une ville marchande puissante. Il sera nommé lieutanant puis capitaine et enfin colonel de la milice. En 1648, il est nommé gouverneur de la Guilde des archers. En 1650, il va organiser la défense. C'est un Républicain convaincu. Il meurt le 1er janvier 1655.

Willem Van Ruytenburgh
Né en 1605, mort en 1652.
Fils de commerçant bourgeois.

Ces deux personnes sont les principaux commanditaires du tableau.

Problématique

Comment représenter le mouvement d'un grand groupe sur un tableau et accorder plus d'importance à ceux qui ont payé le plus?

Rembrandt faisait face à la difficulté de réunir plusieurs portraits en une seule composition. Il surmonte cette difficulté de façon spectaculaire en représentant la compagnie sortant de son quartier général pour rejoindre un cortège officiel. Cela lui permet de présenter un fait insignifiant et un événement historique important dans un tableau de grand format. Les figures sont grandeur nature. L'ensemble palpite d'un mouvement frénétique. Le tambour bat, un chien jappe, l'étendard flotte parmi les piques dressés. Rembrandt met tout en jeu pour créer une atmosphère vibrante de riches contrastes d'ombre et de lumière, de couleurs brillantes et ternes, une frande variétét de gestes, de poses et d'expressions dans des mouvements antagonistes à travers et hors du plan de la toile, entraînant l'oeil dans une ligne zigzagante d'avant en arrière. La composition est centrée sur le capitaine au costume noir et écharpe rouge-orangée et son lieutenant en jaune citron, couleur qui scintillent dans d'autres parties du tableau. Les personnages font cercle autour de ces deux figures principales: on a l'impression que toute la compagnie se précipite vers nous, les deux personnages en tête, renforcé par la main du capitaine qui s'avance et la hallebarde qui pointe vers nous. Les deux personnages en tête semblent sortir de la toile pour venir à notre rencontre.

Rembrandt a tenté de créer une illusion de vérité aussi convaincante que possible. Il a fabriqué avec ce tableau une machine à illusion faite pour s'adapter à la pièce dans laquelle le tableau devait être placé: mauvais emplacement car vision toujours biaisée du tableau.

Le tableau de Rembrandt devait répondre à trois contraintes:

1) Notion de commande.
2) Notion de contrainte physique et iconographique.
3) Contrainte optique.

-Rembrandt a peint ce tableau pendant que sa femme Saskia était gravement malade et en train de mourir.


Gilles Thibault | Janvier 2016.